Introduction

Exposition créée en 2017 à l’occasion du centenaire de la mort de Mendele Moykher-Sforim (Sholem-Yankev Abramovitsh, 1836-1917), fondateur des littératures yiddish et hébraïque modernes (Maison de la culture yiddish – Bibliothèque Medem, Paris).

Signature de Sholem-Yankev Abramovitsh.

Au début du roman Dos kleyne mentshele (Le Petit Bonhomme, 1864), Mendele Moykher-Sforim, le narrateur, se tient près de sa charrette sans savoir où aller : à droite ou à gauche ? Il finit par laisser son cheval prendre la direction qui lui plaira, ce qui lui apparaîtra à la fin du roman comme une décision fondatrice pour la littérature yiddish. En effet, comme ses congénères littéraires, nombreux dans l’œuvre de Sholem-Yankev Abramovitsh, l’animal est loin d’être bête et fait même preuve d’une intuition singulière : en choisissant d’aller à droite, il conduit le narrateur dans la bourgade où on lui fera lire l’histoire du Petit Bonhomme, qui constitue le corps du roman. Dans les dernières pages, s’adressant à son cheval, le narrateur s’exclame : « Ta sagesse a été de la plus grande utilité, tant à moi qu’à la littérature. »

Portrait de Mendele par Yankev Kruger (1928).

Cette question – « À droite ou à gauche ? » – peut être regardée comme une image de la voie créatrice de Mendele Moykher-Sforim (nom devenu avec le temps le pseudonyme de l’auteur), qui est marquée par un va-et-vient perpétuel : entre l’hébreu et le yiddish, la littérature et la science, la tradition et la modernité, entre un regard critique posé sur la société juive et une tendresse à son égard, et, en ce qui concerne son lectorat, entre la petite élite des maskilim (les partisans de la Haskole, les Lumières juives) et le peuple. Son cheval allant parfois à droite, parfois à gauche et parfois tant à droite qu’à gauche, Mendele laisse entendre qu’il rejette toute réponse dogmatique à ces questions. Son choix est parfois pragmatique, parfois visionnaire, mais toujours dynamique. C’est avec ce dynamisme que Sholem-Yankev Abramovitsh a été au principe de deux littératures : la littérature yiddish et la littérature hébraïque.

Mendele se tient sur deux piédestaux symbolisant l’hébreu et le yiddish, les deux langues que son œuvre a fécondées. Illustration basée sur la caricature de Lola (Leon Israel) dans l’hebdomadaire satirique Der groyser kundes (Le Grand Farceur), New York, 27 mars 1914.
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À propos

Textes : Tal Hever-Chybowski et Natalia Krynicka
Mise en page : Tal Hever-Chybowski
Relecture (yiddish) : Yitskhok Niborski
Relecture (français) : Cécile Neeser Hever

© Maison de la culture yiddish – Bibliothèque Medem, 2017

La saison culturelle « Mendele Moykher-Sforim : l’inventeur de deux littératures » a été soutenue par la Fondation pour la mémoire de la Shoah.